Succession de Johnny Hallyday – Peut-on déshériter ses enfants ?

Article écrit le 12/02/2018

Par son testament, Johnny Hallyday déshérite deux de ses enfants. A t’on le droit en France de déshériter ses enfants ? La jurisprudence en matière de succession montre que l’expatriation dans un pays qui ne connaît pas la réserve héréditaire peut priver d’héritage les enfants du défunt.

Succession : Droit français contre droit américain

Dans son testament, le chanteur Johnny Hallyday aurait décidé de confier “l’ensemble de son patrimoine et l’ensemble de ses droits d’artiste” à sa femme Laeticia Hallyday. Il aurait par ailleurs prévu, « en cas de prédécès de son épouse », que « l’ensemble » de ses biens et droits  » soient exclusivement transmis à ses deux filles Jade et Joy par parts égales. Déshérités, les deux autres enfants de la star, Laura Smet et David Hallyday, ont décidé de lancer une procédure pour contester le testament de leur père.

Selon le droit français, les enfants du défunt ne peuvent pas être déshérités. Ils reçoivent obligatoirement une part de l’héritage appelée « part réservataire ». Mais dans le cas de la succession du chanteur, le dossier est plus compliqué. Le testament aurait été rédigé sous l’égide de la loi californienne qui laisse libre un parent de priver ses enfants d’héritage.

Selon le règlement européen, c’est “la loi de la résidence habituelle du défunt au moment de son décès” qui doit être prise en compte.

Où se situait la résidence habituelle de Johnny Hallyday avant son décès ? En France où il a reçu des soins médicaux ou bien aux Etats-Unis ? La réponse à cette question sera cruciale pour déterminer laquelle des deux lois devra s’appliquer. Dans le cas où il s’agirait de la loi américaine, les enfants lésés estiment que les dispositions testamentaires « contreviennent manifestement aux exigences du droit français ».

Que dit La jurisprudence en matière de succession ?

Ce type d’affaire n’est pas une première. L’année dernière, les juges de la Cour de Cassation en France ont rendu un jugement sur deux cas similaires, à chaque fois en défaveur des enfants déshérités. Parmi ces deux dossiers, il y avait celui de Jean-Michel Jarre. Le musicien constestait le testament de son père, établi selon la loi américaine, selon lequel l’ensemble de son patrimoine revenait à sa dernière épouse et dans lequel il indiquait omettre « intentionnellement et volontairement » toutes dispositions concernant son fils et sa fille.

Pour trancher, les juges se sont notamment basés sur le fait que l’installation aux Etats-Unis était « ancienne et durable », mais également sur le fait que les héritiers concernés n’étaient pas “dans une situation économique de précarité ou de besoin”. Les juges ont estimé que dans un tel cas, la loi américaine ne pouvait être considérée “contraire à l’ordre public international français”.

A t’on le droit de déshériter ses enfants ?

En France, la loi protège les enfants – qu’ils soient légitimes, adoptés ou naturels – en leur réservant une partie du patrimoine du défunt. Cela s’appelle la « part réservataire » ou encore la « réserve successorale ». La part du patrimoine réservée aux enfants dépend du nombre d’enfants. Elle est égale à :

  • la moitié du patrimoine du défunt en présence d’un seul enfant
  • aux deux-tiers du patrimoine du défunt en présence de deux enfants (soit un tiers par enfant)
  • aux trois-quart du patrimoine du défunt en présence de trois enfants ou plus

 

Mais en pratique, il existe de nombreuses façons de priver les enfants de tout ou partie de leur héritage.

Par exemple, le contrat d’assurance vie permet de transmettre une somme d’argent aux personnes de son choix (qu’ils soient héritiers légitimes ou pas). Les sommes transmises par ce biais n’entrent pas dans la « masse successorale », c’est à dire dans le patrimoine à partager entre les héritiers. Le patrimoine à répartir entre les héritiers se trouve ainsi réduit. Lorsque ces sommes représentent une part trop importante du patrimoine du défunt, les héritiers peuvent constester (encore faut-il pour cela qu’ils aient connaissance de l’existence d’un tel contrat d’assurance vie, ce qui n’est pas toujours le cas …). Le juge détermine alors si les sommes transmises via le contrat d’assurance vie sont « manifestement exagérées »  et s’il convient de les réintégrer dans la masse successorale.

Un autre possibilité consiste à tout dépenser et réduire à néant le patrimoine à transmettre …

Avec les deux arrêts rendus l’année dernière, la Cour de cassation vient d’ajouter une nouvelle possibilité : l’expatriation dans un pays qui ne connaît pas la réserve héréditaire peut priver d’héritage les enfants du défunt.