Taiwan

Taïwan ou le risque d’une guerre dans le Pacifique

Article écrit le 20/10/2021 – Par MINGZI – Crédit photo : 123RF

La tension est à son comble dans le Pacifique après les propos de Joe Biden, le 21 octobre dernier : le Président des États-Unis s’est dit prêt à défendre militairement Taïwan en cas d’attaque de la Chine. Les raisons de ces tensions entre la Chine et les États-Unis.

Une naissance due à la guerre froide en Asie

En décembre 1949, après la capitulation du Japon et la fin de la deuxième guerre mondiale, la guerre civile chinoise, qui oppose les nationalistes aux communistes, tourne rapidement à l’avantage de ces derniers. Le 8 décembre 1949, le leader nationaliste Tchang Kaï-chek prend la fuite et se réfugie dans l’île de Formose (Taïwan) où il établit le gouvernement. Celui-ci bénéficie de l’appui politique et financier des États-Unis et en 1954, les deux pays signent un traité de défense mutuelle.

Une réussite économique et démocratique depuis 1950

La croissance est remarquable pour une île de 36.197 km2. Le PIB a dépassé les 600 milliards de dollars soit 25.500 dollars par habitant en 2020. Taïwan est la 20ème puissance commerciale mondiale avec seulement 23 millions d’habitants.

En vingt ans, l’économie taïwanaise est passée de la production de produits à forte intensité de main-d’œuvre à la fabrication de produits à forte intensité technologique. Taiwan se positionne dans les premiers mondiaux pour la fabrication de nombreux produits électroniques : scanners, écrans, souris ou modems.

Son commerce exterieur était bénéficiaire de 59 milliards de dollars en 2020. Cela s’explique par la capacité de l’économie taïwanaise à satisfaire une demande externe croissante de biens destinés aux infrastructures 5G, aux équipements de télétravail et d’enseignement à distance et la compétitivité des entreprises taïwanaises dans les industries des semi-conducteurs.

95 % des entreprises nationales sont des PME et elles génèrent la moitié des exportations. Le dynamisme de ces petites et moyennes entreprises tournées vers les marchés internationaux, leur réactivité, la vivacité de la concurrence qu’elles se livrent font aujourd’hui figure de modèle dans toute la région

Depuis juin 2010 et l’accord-cadre de coopération économique entre la Chine et Taïwan (ECFA) , l’intégration économique, les investissements et les transferts technologiques se sont accelérés entre les deux pays. Cela semble logique pour une île située à 180 km des côtes chinoises et au sud du Japon et dont la langue officielle est le mandarin.

Sur le plan politique, l’action individuelle de Chiang Ching-kuo, le fils de Tchang Kaï-chek a été décisive. Il est un des rares leaders à avoir aboli de lui-même son propre régime pour imposer la démocratie. Les Taïwanais lui en ont d’ailleurs été reconnaissants, puisque c’est lui qui a remporté les premières batailles électorales libres. Sa mort en 1988, est suivie par des réformes démocratiques. De nouveaux partis sont reconnus et, en 1996, Lee Teng-Hui devient le premier président élu au suffrage universel. L’hégémonie du kouo-min-tang prend également fin avec la victoire du Parti démocratique progressiste aux élections législatives de 2001. Taïwan s’impose en Asie comme un modèle sur le plan démocratique

Encore un succès avec la gestion de la crise sanitaire du coronavirus

Taïwan ne déplore que 846 décès dus au coronavirus à octobre 2021, grâce à une réaction immédiate et appropriée suite à la pandémie en Chine : filtrage des personnes qui arrivaient de Wuhan, obligation du port du masque dans les lieux publics, repérage des personnes ayant été en contact avec les cas déclarés, surveillance des personnes en isolement avec les technologies mobiles …

Mais cette politique avisée n’aurait sans doute pas donné d’aussi bons résultats si l’île n’avait pas disposé au départ d’un remarquable système de santé. Taïwan est l’un des pays au monde qui a le plus réduit la mortalité infantile ces dernières décennies, l’un de ceux où les campagnes de vaccination ont été les plus exemplaires, notamment contre l’hépatite B, une maladie très répandue dans les populations chinoises. Pour avoir une idée de l’efficacité de son organisation sanitaire, il suffit de regarder l’évolution de la production de masques. Au début de la crise de la Covid-19, Taïwan en fabriquait environ 500.000 par jour. Trois mois plus tard, ses usines en sortaient quotidiennement 20 millions et en exportaient dans le monde entier.

Cette île aux multiples succès resistera-t-elle aux ambitions de la Grande Chine ?

 » La Chine doit être réunifiée et elle le sera. L’indépendance de Taiwan est une entorse à l’histoire et ne pourra conduire qu’à un profond désastre  » Xi Jinping.

La Grande Chine, c’est la réunification de Macao, ancienne colonie portugaise, en 1999 mais la population ne fait que 700.000 habitants.

La Grande Chine , c’est la restitution de Hong Kong, ancienne colonie britannique, en 1997 mais les 7 millions d’habitants connaissent la liberté de presse, de parole et de réunion. Hong Kong a également ses propres systèmes juridiques et politiques, sa monnaie et son commerce. Ces libertés contrastent fortement avec le leadership autoritaire et la censure stricte de la Chine. Un pays, deux systèmes jusqu’en 2047…. cela va-t-il tenir ?

La Grande Chine , c’est aussi Taiwan, même si Taiwan n’a jamais été contrôlée par le parti communiste au pouvoir en Chine. Pendant des années, Pékin a tenté d’imposer des pressions diplomatiques, commerciales et militaires sur Taipei, la marginalisant dans la communauté internationale. Par exemple, la Chine a réussi à empêcher Taiwan de rejoindre des agences mondiales comme l’Organisation mondiale de la santé.

Les responsables chinois ont averti :  » la Chine s’oppose fermement à toute forme d’échanges officiels entre les États-Unis et Taiwan « . Certains ont également fait allusion à la menace de sanctions contre les responsables américains.

Le président Xi a été clair dans ses ambitions de «réunifier» l’île avec le continent et a refusé d’exclure le recours à la force. Les récents exercices militaires ont été décrits dans les médias d’État chinois comme une « répétition pour une prise de contrôle de Taiwan » et les menaces d’invasion ont fortement augmenté à mesure que les tensions avec les États-Unis augmentent.

Les Etats Unis supporteront-ils l’expansion chinoise dans le Pacifique ?

Il n’y a pas que le souhait de réunifier la Grande Chine.

La Chine prétend posséder la quasi-totalité des 1,3 million de kilomètres carrés de la mer de Chine méridionale, mais au moins six autres gouvernements ont également des revendications territoriales qui se chevauchent dans la voie navigable contestée : les Philippines, le Vietnam, la Malaisie, l’Indonésie, le Brunei et Taïwan. Les États-Unis n’ont aucune revendication dans les eaux, mais ont contesté à plusieurs reprises les allégations de la Chine.

La Chine est allée de l’avant et a quand même construit des îles : depuis 2014, la Chine a transformé de nombreux récifs et bancs de sable obscurs – loin de son rivage – en îles artificielles fortement fortifiées avec des missiles, des pistes et des systèmes d’armes, suscitant le tollé des autres gouvernements.

Le conflit Chine-Inde est centré autour d’une frontière longtemps disputée dans l’Himalaya. Après avoir mené une guerre frontalière sanglante en 1962, les deux pays ont tracé une ligne de démarcation vaguement définie appelée Ligne de contrôle réel (LAC). Mais ils ne sont pas d’accord sur son emplacement  : si le LAC apparaît sur les cartes, les deux puissances nucléaires ne s’entendent pas sur son emplacement précis et accusent régulièrement l’autre de la dépasser ou de chercher à étendre son territoire.

La Chine et le Japon ont tous deux revendiqué une chaîne d’îles rocheuses et inhabitées dans la mer de Chine orientale. Situées à 1.200 milles (1.900 kilomètres) au sud-ouest de Tokyo, les îles sont connues sous le nom d’îles Senkaku au Japon et d’îles Diaoyu en Chine. Ces îles sont également revendiquées par Taiwan, où elles sont connues sous le nom d’îles Tiaoyutai.

La puissance américaine est mondiale, repose sur 3 piliers et à ce jour elle n’est partagée avec aucun pays

Les libertés économiques et politiques sont arbitrées par le droit international dont les jugements sont en anglais. C’est ce droit qui autorise la liberté de circuler en Mer de Chine et en vertu du droit international, quiconque possède la chaîne contestée d’îles dans la mer aura les droits sur toutes les ressources de ses eaux voisines comme le poisson, le pétrole et le gaz. Plus généralement, quiconque contrôle cette mer détiendra également le pouvoir sur l’une des routes commerciales les plus précieuses du monde : elle héberge un tiers de tous les transports maritimes mondiaux.

Un soft power d’influence très important qui passe par les médias, internet, les Gafa, le cinéma … qui diffuse la culture américaine, les normes et les règles du jeu mondial.

Comme les USA ont des pactes de défense avec de nombreux pays de la région Pacifique, si les deux premiers piliers ne suffisent pas, l’armée américaine intervient.

Avec un budget en 2020 de 730 milliards de dollars consacré à la défense, plus de 15 bases dans le Pacifique dont certaines au Japon, Corée du Sud, Vietnam … et 11 porte-avions , c’est le seul pays capable d’envoyer 70 % de son armée hors du territoire national. Dernière initiative militaire : le test d’un nouveau missile mer-mer et sol-mer d’une portée de 1.600 km qui sera testé tout au long de l’année 2022 pour qu’il soit opérationnel en 2023.

Ces deux grandes puissances trouveront-elles un compromis ou Taiwan pourrait-il être le déclencheur d’une guerre prévisible ?