Fonds euros décollecte

Assurance vie et fonds en euros : la grande décollecte

Article écrit le 31/10/2022 – Par MINGZI – Crédit photo : 123RF

Depuis de début de l’année 2022, la collecte nette sur les fonds en euros (les entrées moins les sorties) de l’assurance vie est négative à −14,4 milliards d’euros, en baisse de 37 % par rapport à la même période en 2021. Pourquoi une telle décollecte ? Quelles sont les stratégies et mesures prévues par les assureurs pour ce scenario tant redouté ? Quels sont les recours si elles s’avéraient insuffisantes ?

En 2022, la collecte nette sur le fonds en euros est en baisse de 37 % par rapport à 2021

Depuis le début de l’année, les cotisations assurance vie atteignent 107,8 milliards d’euros, en baisse de 1,4 % par rapport à la même période en 2021. Mais cette collecte, relativement stable, cache de grandes disparités : la collecte en unités de compte est en hausse de 1,4 % (et représente 39 % de la collecte totale) alors que la collecte sur le fonds en euros est en baisse de 3,3 %.

Les prestations (c’est-à-dire les sorties comme les rachats, les paiements de capitaux décès …) atteignent 95,2 milliards d’euros depuis le début de l’année, une hausse 1,1 % par rapport à la même période de 2021. Pour ce qui concerne les UC, elles sont en baisse de 4,3 %. Pour la part en euros, elles sont en hausse de 2,2 %.

En conséquence, la collecte nette assurance vie s’établit à + 12,6 milliards d’euros depuis le début de l’année 2022, en baisse de 16,6 % par rapport à celle de 2021 sur la même période. En UC, elle s’élève à +27,0 milliards d’euros, en hausse de 5,1 %. Mais pour la part en euros, elle s’élève à −14,4 milliards d’euros, en baisse de 37 % par rapport à 2021 !

Pourquoi une telle décollecte sur le fonds en euros ?

En un an seulement, le paysage économique s’est radicalement transformé. Le taux d’inflation sur 12 mois est passé de 2,2 % à 6,2 %. Après plusieurs années de taux historiquement bas, ceux-ci se sont assez brutalement relevés : le taux d’emprunt de l’État Français à 10 ans est passé de 0 % à 2,54 %. Les marchés financiers se sont repliés : le CAC 40 est passé de 6 700 points à 6 300 points. Enfin, le taux du livret A est passé de 0,50 % à 2,00 % aujourd’hui.

Face à cette remontée des taux, les fonds en euros de l’assurance vie n’ont rapporté en moyenne que 1,28 % en 2021. Les taux servis au titre de 2022 seront annoncés en début d’année 2023, mais selon les experts, ils devraient s’établir en moyenne autour de 2,00 % dans le meilleur des cas. Un taux (avant déduction de la fiscalité) qui peine à concurrencer le Livret A qui ne cesse de battre des records de collecte sur ces derniers mois et dont le taux, qui atteint 2,00 %, pourrait être revu à la hausse en février 2023 et s’établir autour de 2,50 % à 3,00 %. De plus, les intérêts du Livret A ne sont pas fiscalisés.

Par ailleurs, le repli des marchés boursiers et la recherche de rendement poussent les épargnants à diversifier leur épargne en unités de compte. Celles-ci représentent 39 % de la collecte assurance vie depuis de début de l’année, contre seulement 15 % il y a 10 ans.

La remontée brutale des taux : le scenario redouté par les assureurs

Les fonds en euros sont essentiellement composés d’obligations (80 % en moyenne). Avec la baisse des taux d’intérêt ces 10 dernières années, les assureurs ont acheté des obligations dont les rendements n’ont cessé de baisser. Avec la remontée brutale de l’inflation, les taux de rendement des obligations nouvellement émises sont remontés et les obligations à faible rendement en stock dans les fonds en euros des assureurs ont perdu de la valeur.

La collecte nette négative met en difficulté les assureurs car elle les oblige à liquider des obligations en stock et enregistrer des moins-values.

Vers un changement de stratégie radical des assureurs sur le fonds en euros ?

Les taux servis sur les fonds en euros de l’assurance vie au titre de 2022 devraient donc remonter par rapport à 2021 car, pour contenir la décollecte, les compagnies d’assurance vie auront intérêt à proposer des taux suffisamment attractifs par rapport à celui du livret A et des autres actifs sans risque. Pour cela, ils devront très probablement puiser dans leurs réserves. Selon un rapport de l’ACPR, en 2021, les assureurs ont en réserve l’équivalent de 5,4 % de rendement en moyenne.

Par ailleurs, les assureurs ont intérêt à collecter sur leur fonds en euros afin de revenir en collecte nette positive et profiter des taux plus élevés des obligations nouvellement émises. Alors que depuis plusieurs années de nombreux assureurs ont tout fait pour détourner les épargnants des fonds en euros en imposant notamment des contraintes de part minimum en unités de compte sur les versements, certains d’entre eux ont changé leur stratégie et supprimé toutes contraintes d’accès à leur fonds en euros.

Quels recours si les stratégies mises en place par les assureurs s’avéraient insuffisantes ?

En cas de difficulté trop importante, en dernier recours et si la situation l’exige, la loi Sapin 2 autorise de HCSF (Haut Comité de Sécurité Financière) à imposer certaines mesures aux compagnies d’assurance vie en difficulté. Par exemple, il pourrait décider de limiter la possibilité pour les épargnants de faire des versements sur le fonds en euros de leur contrat, suspendre ou restreindre la possibilité de retirer leur épargne ou encore limiter la distribution de dividendes.