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Transmission d’entreprise : vers un assouplissement du pacte Dutreil

Article écrit le 30/06/2018 – Crédit photo : Fotolia

Le pacte Dutreil permet au chef d’entreprise d’organiser la transmission de sa société dans de bonnes conditions, notamment du point de vue des droits de succession / donation. Mais en pratique, le dispositif est peu mis en oeuvre du fait de sa complexité et de sa rigidité.

Le projet de loi PACTE, présenté le 20 juin par Bruno Le Maire, Ministre de l’économie et des finances, prévoit de simplifier le dispositif. Le point sur le fonctionnement actuel du Pacte Dutreil et sur les mesures de simplification prévues dans le projet de loi PACTE.

Transmission et cession d’entreprise familiales en France

Selon le baromètre annuel réalisé par KPMG, l’impact des entreprises familiales est évalué à plus de 70% du PIB mondial. En Europe, on en dénombre plus de 14 millions, soit 60% des entreprises. La France compte 83% d’entreprises familiales (contre 95% en Allemagne et 93% en Italie). Elle se situe dans la moyenne européenne, mais son taux de transmission est l’un des plus faibles d’Europe.Selon le rapport d’Olivia Grégoire, députée LREM, la transmission familiale ne concerne que 14% des cessions de PME-ETI et seulement 12% des entreprises familiales le sont encore à la troisième génération et 4% à la quatrième.

Ce phénomène s’explique principalement par le poids de la fiscalité (droits de donation / succession)  qui incite à la cession plutôt qu’à la transmission : ne pouvant être transmises à la famille du fait d’une fiscalité trop couteuse pour les héritiers, les entreprises sont cédées à des groupes, parfois étrangers …

Le pacte Dutreil a été créé pour favoriser la transmission de l’entreprise familiale aux proches et éviter que les héritiers du chef d’entreprise ne soient obligés, à son décès, de vendre la société pour payer les droits de succession. L’objectif est également de pérenniser par ce biais le moteur de l’économie française.

pacte Dutreil : le fonctionnement

Le pacte Dutreil prévoit un abattement de 75% sur la valeur de l’entreprise pris en compte pour le calcul des droits donation / succession. Autrement dit, les héritiers n’auront à payer des droits que sur 25% de la valeur de l’entreprise.Par exemple, pour une entreprise valorisée un million d’euros, les droits de succession seront calculés sur la base de 250 000 euros.

Un avantage cumulable avec d’autres dispositifs :

  • Abattement de 100 000 € : les héritiers en ligne directe bénéficient également d’un abattement de 100 000 €.
  • Réduction des droits de 50% : si le chef d’entreprise transmet la société en pleine propriété à ses héritiers avant ses 70 ans, les droits sont réduits de 50 %.
  • Etalement du paiement des droits : par ailleurs, le paiement des droits peut bénéficier d’un mécanisme d’étalement sur 15 ans : d’abord un différé de paiement des droits pendant cinq ans (en contrepartie d’un taux d’intérêt (très faible), puis un paiement fractionné durant dix ans.

 

Le cumul de tous ces avantages peut donc conduire à des réductions de droits très importantes.

Mais le pacte Dutreil est peu utilisé en pratique

Mais en pratique, le pacte Dutreil est peu utilisé, car sa mise en œuvre est complexe et contraignante et peut être source d’erreur graves et coûteuses. Le dispositif  impose en effet le respect de certains engagements, et ne peut s’appliquer que dans certaines conditions.

Voici quelques exemples d’engagements à respecter dans le cadre du pacte Dutreil pour les sociétés :

  • Les titres doivent faire l’objet d’un engagement collectif de conservation d’une durée de deux ans à compter de la mise en place de l’acte. Cet engagement doit porter sur au moins 20% des titres (sociétés cotées) ou 34% (sociétés non cotées).
  • Cet engagement collectif est réputé acquis lorsque le défunt ou le donateur détenait depuis deux ans au moins le quota de titres requis (20% ou 34%) et exerçait la fonction de direction ou son activité principale au sein de la société depuis au moins deux ans.
  • Au moment de la transmission (suite au décès ou donation), chacun des héritiers (ou donataires) doit à son tour s’engager à conserver les titres transmis pendant quatre ans.
  • L’un d’eux doit, pendant la durée de l’engagement collectif et pendant les trois années qui suivent la transmission, exercer son activité principale ou des fonctions de direction dans la société transmise.

 

Les engagements à respecter dans le cadre du pacte Dutreil pour les entreprises individuelles :

  • L’entreprise doit avoir été détenue par le défunt (ou donateur) depuis au moins deux ans.
  • Aucun délai n’est cependant exigé en cas d’acquisition à titre gratuit ou de création de l’entreprise transmise.
  • Chacun des héritiers (ou donataires) doit prendre l’engagement individuel de conserver l’entreprise pendant 4 ans.
  • L’un d’eux doit, en outre, effectivement poursuivre l’exploitation de l’entreprise pendant 3 ans à compter de la transmission.

 

Par ailleurs, en cas d’oubli ou  de non-respect d’une des obligations déclaratives annuelles, les signataires de l’engagement collectif peuvent perdre l’intégralité du bénéfice du pacte.

Le projet de loi PACTE propose une simplification du pacte dutreil

Bruno Le Maire, Ministre de l’économie et des Finances, a présenté le 20 juin dernier le projet de loi PACTE (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises). La simplification du pacte Dutreil fait partie des mesures proposées. Parmi les pistes évoquées par le ministre figurent :

  • la fin de la déclaration annuelle de conservation des titres
  • un assouplissement de l’obligation pour les héritiers d’exercer une fonction de dirigeant : la mesure s’oriente vers une obligation de « développement de l’entreprise »
  • la possibilité de cession partielle des titres dans certains cas.

 

Cette simplification, si elle est votée dans le cadre du Projet de Loi de Finances 2019, devrait donc permettre de faciliter la distinction pour le chef d’entreprise entre la transmission des titres d’un côté et la direction et la gouvernance de l’entreprise de l’autre. En effet, le Pacte Dutreil est aujourd’hui très contraignant pour les enfants qui préfèrent exercer un rôle en conseil d’administration plutôt que prendre la direction de l’entreprise.

En revanche, la proposition d’augmenter l’exonération de droits par palier jusqu’à 90-100 % contre une conservation plus longue des titres ne semble pas avoir été retenue.