Arctique

L’Arctique : entre réchauffement et glaciation

Article écrit le 30/06/2023 – Par Sarah CANTET – Crédit photo : Shutterstock

Depuis quelques années, l’Arctique, territoire de glaces et symbole de la biodiversité polaire, fait l’objet de convoitise dans le cadre de la compétition géopolitique régionale et mondiale. Si l’environnement reste au cœur des préoccupations, la potentialité de rivalités économiques ou d’une escalade guerrière ne sont plus exclues par les observateurs internationaux. Encore faut-il qu’il reste un espace à protéger.

Une région en voie de disparition ?

Depuis les premières photographies satellites, en 1979, la surface de la banquise a été, en moyenne, réduite de 9 % en hiver et de 48 % en été. Son épaisseur a diminué de 66 % en près de cinquante ans.

Les modèles du GIEC n’ont pas envisagé une telle rapidité du réchauffement des océans. Or, ce phénomène d’amplification arctique favorise le recul de la banquise toute l’année. En effet, la disparition de la banquise accélère la montée des températures de l’océan car l’eau sombre absorbe davantage de rayonnement solaire, ce qui conduit à un réchauffement.

Ce processus menace et fragilise l’écosystème polaire tout en ouvrant des opportunités économiques dont la création de routes maritimes.

Vers un dégel des ressources

Près d’un quart des ressources hydrocarbures pourrait se trouver sous les glaces. Néanmoins, la possibilité inédite d’un développement économique a des effets sur des acteurs bien plus anciens de la région. Par exemple, un tiers des habitants de la ville de Kiruna, située au Nord de la Suède, s’apprête à déménager suite à la découverte d’un gisement de terre rare, ce à quoi s’oppose les Sami, peuple autochtone.

Cependant, le dégel des ressources impacte également les routes terrestres, en voie de disparition et indispensables à la survie de l’économie minière du Grand Nord, au profit du développement des accès navigables.

Ce nouvel axe de communication pose des défis transfrontaliers, environnementaux et géostratégiques. Sur le plan économique, les membres et d’observateurs permanents du Conseil de l’Arctique prônent le maintien d’une gestion durable par-dessus la ligne septentrionale. Or l’Empire du milieu, observateur permanent, cherche à accéder aux ressources minérales, énergétiques et commerciales sans être un Etat riverain, ceux-ci possédant au sein de leur zone économique exclusive plus de 90% des ressources accessibles.

En effet, la Chine se montre, malgré ses objectifs avancés de développement durable, très intéressée par l’apparition de nouveaux axes de communication. Les ambitions chinoises se traduisent par l’intégration au projet OBOR (One Belt One Road) des nouvelles routes de la soie polaire ainsi que par la création d’un livre blanc présentant les intérêts de Pékin pour cette zone.

La volonté d’exploitation maritime et de financement des infrastructures en Arctique s’inscrit pour Beijing dans un enjeu plus global comme moyen de s’imposer face aux puissances occidentales dans la gestion de la gouvernance mondiale. Pour se faire sont mobilisés un éventail d’initiatives telles que les brises glaces Xuelong 1 et 2 (dragon des neiges) et des moyens économiques et diplomatiques importants ayant débuté dès le début des années 2000.

Briser la glace diplomatiquement

La Chine a bien compris l’importance des coopérations diplomatiques bilatérales et multilatérales sous l’égide du Conseil de l’Arctique. Il en est de même pour les Etats-Unis. Washington, face à la multiplication des acteurs et des challenges de toutes natures, a ouvert sa première représentation diplomatique au-dessus du cercle polaire. Celle-ci a vocation à promouvoir une région pacifique et prospère reposant sur un travail inter allié centré sur le changement climatique et les populations autochtones.

Ces deux points incarnent également les objectifs de la présidence norvégienne du Conseil de l’Arctique, successeur de la Russie depuis le 11 mai 2023. Ils se traduisent par quatre thèmes prioritaires liés à une volonté de réduction des émissions de carbone noir pour 2025 :

  • Les océans
  • Le climat et l’environnement
  • Le développement économique durable
  • Et les populations du Nord.

 

Néanmoins, ces intentions sont mises à mal par le déclenchement de la guerre en Ukraine malgré la promotion d’une stabilité et d’une coopération constructive au sein du Conseil.

Un réchauffement glacial

Acteur déterminant, la Russie possède près de la moitié du territoire polaire et près de 24 000 kilomètres de côtés ainsi que divers intérêts notamment économiques et maritimes. De plus, cette zone apparait essentielle sur le plan militaire russe. Elle abrite la part la plus importante de son arsenal nucléaire. Déclarée comme mission prioritaire en 2014 dans le cadre d’un plan de remilitarisation massif, il s’agit également d’une porte d’entrée vers l’Atlantique et le pacifique permettant au pays de se désenclaver.

Si l’annexion de la Crimée en 2014 avait engendré des sanctions occidentales, l’équilibre polaire s’était maintenu avec un renforcement des relations sino-russes. En effet, depuis des décennies, l’Arctique était une zone de coopération pacifique où les intérêts régionaux prévalaient sur les tensions extérieures. Cependant, le déclenchement de la guerre en Ukraine, le 24 février 2022, est venu remettre en cause ce principe « d’exception arctique ».

En effet, les réunions officielles du conseil de l’Arctique ont été suspendues suite à la condamnation de l’invasion de l’Ukraine par les autres Etats membres. Le Kremlin a donc été mis au ban de l’instance coopérative avec une reprise des activités n’impliquant pas la Fédération de Russie. La candidature finlandaise à l’OTAN ayant été acceptée, plane sur le Conseil un risque de militarisation de celui-ci quand bien même il est incompétent pour traiter des sujets liés à la « sécurité militaire ». Néanmoins, sans la Russie, la coopération en Arctique perd de son sens, d’autant plus que la prise de décision du Conseil nécessite l’unanimité. Celui-ci se trouve donc paralysé.

Enfin, si le cercle polaire se trouve géographiquement au sommet du globe, il apparait central dans les affaires mondiales présentes et futures.